Au fond de l’ancien tunnel de lave se trouvait une imposante porte d’obsidienne noire comme la nuit.
— On n’aurait pas dû venir ici mzungu…
J’avais rencontré Bakari une semaine plus tôt. Le grand homme décharné était le seul guide du Nchi Kongwe qui avait accepté de me mener aux Kuzimu Walinza. Il m’avait dévisagé de ses yeux vitreux avant d’exiger un salaire indécent. Heureusement, le consortium Perséphone était un mécène généreux.
— Si les guerriers nous attrapent...
Nous nous trouvions au sommet du volcan Mlangowajiwe, centre de leur territoire. J’avais tenté de négocier un passage jusqu’au cratère avec la matriarche de la tribu, une vieille femme aux yeux injectés de sang et aux seins pendants. Mais l’échange, limité par la barrière de la langue, n’avait mené à rien. “Rien n’entre dans le volcan, rien ne sort du volcan.” Voilà la seule réponse claire qu’elle m’avait répété inlassablement. L’argent n’avait pu résoudre cette situation.
— Moi aussi j’aurai préféré avoir leur permission Bakari.
Dans la caverne, l’air étouffant sentait le soufre. J’essuyais la sueur qui coulait de mon front et braquait ma Maglite sur la porte. Des hiéroglyphes… Mon cœur s'accéléra. Je m’approchais et caressais fébrilement les symboles avec mes doigts. Certains m’étaient familiers.
— Tu sais lire ça, mzungu ?
Je lui en désigna un. Il s’en approcha en plissant les yeux.
— Porte, passage, vie après la mort...
Il frissonna et regarda derrière lui. Tenté de fuir ? Alors que nous venions de trouver de quoi prouver l’existence d’un proto-mythe élyséen antérieur à l’Antiquité ? J’avais cherché un tel site toute ma vie, il était hors de question de faire demi-tour.
— J’ai encore besoin de toi Bakari. Si tu veux ton argent, aide-moi à l’ouvrir.
Il hésita, mais sa cupidité dépassait sa peur. Il se posta face au centre de la porte. Je me mis sur le côté. Nous poussâmes le vantail droit. Mes yeux croisèrent un autre symbole que je déchiffrais machinalement : danger, péril, gardien.
L’imposant vantail se mit en branle avec un crissement sinistre. Il tourna si rapidement sur ses gonds que Baraki perdit l’équilibre. Le guide tomba face contre terre dans la fumée noire et opaque qui stagnait derrière le seuil.
Il tenta de se relever. Mais, happé par quelque chose, il fut avalé par la fumée.
Il hurla. Retentit un bruit d’os qui craquent et de chairs qui se déchirent. Puis le silence.
Je restai quelques secondes figé face à la porte, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Puis ma raison reprit le dessus. Je fis volte-face et courus.
Onze guerriers de la tribu encerclaient l’entrée de la grotte. À mon grand soulagement, ce n’est pas moi qu'ils attendaient. Les visages peints pour la guerre, ils pointaient des lances de pierre noire vers le tréfond du boyau d’où je m’étais extirpé.
Un feulement, comme un coup de tonnerre, résonna des entrailles de la caverne. Mes poils se hérissèrent. Un forme intangible nimbée d’ombres avança d’une démarche féline. Les guerriers firent un pas en avant, menaçant. La créature, loin d’être intimidée, se jeta sur eux.
Les guerriers la tinrent difficilement en respect. La créature était indifférente aux coups qu’elle recevait. Déjà, les guerriers fatiguaient.
L’un d’eux se tourna vers moi et me cria :
— Ferme… Porte !
Je restais là quelques instants sans comprendre. Puis, bien décidé à réparer ma faute, je me précipitai dans la caverne.
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