Planifier ou ne pas planifier avant d'écrire : Pantser, Plotter et Plantser

Est-ce que les écrivains planifient avant d'écrire ? Vous vous en doutez déjà, il n'y a pas de réponse absolue.

Planifier ou ne pas planifier avant d'écrire : Pantser, Plotter et Plantser
Plan des chapitres 13 à 24 de Harry Potter et l'Ordre du Phénix de J.K. Rowling

Préambule

Pour changer, ce préambule sera bref. J'essaie d'augmenter la cadence des billets, ce qui implique de rendre chacune de leurs parties plus courtes.

J'ai commencé à travailler quotidiennement sur la première histoire des 7 nouvelles à Néo-Paris (7NP) et je pense passer bientôt à l'étape du premier jet. Ma phase jeu-vidéos actuelle s'est terminée (sur Zelda Echoes of the Wisdom, une petite pépite) augmentant ainsi mon temps productif.

J'ai également décidé de consacrer chaque jour un temps à l'écriture des billets et un temps distinct au travail de l'écriture, histoire de pratiquer. Comme je le disais dans mon précédent article, écrire des billets c'est bien, mais écrire des nouvelles c'est mieux.

Ce billet, qui sera focalisé sur des aspects techniques, est en lien avec ce que je fais actuellement pour la première nouvelle, même si je n'exposerai pas encore ce travail. J'espère que vous le trouverez intéressant !

Planifier ou ne pas planifier avant d'écrire ?

C'est une question que l'on m'a posé récemment : est-ce que je planifie avant d'écrire ? J'en profite donc pour généraliser la question : est-ce que les écrivains planifient avant d'écrire ? (To outline a story en anglais.)

Vous vous en doutez déjà, il n'y a pas de réponse absolue. On peut néanmoins classer la majorité des écrivains dans trois catégories : les pantsers, les plotter et les plantser. Mais avant de décrire ces termes anglais, petite parenthèse à propos du processus global d'écriture.

Le processus d'écriture

On peut simplifier le processus d'écriture (qui, bien sûr, diffère chez les auteurs) en quatre grandes étapes :

Ce processus n'est pas linéaire. On peut commencer par la pré-écriture ou même directement par l'écriture et faire des allez-retours entre les différentes étapes. Leur ordre de réalisation et la proportion du temps qui leur est alloué dépendent de chaque auteur.

Je peux néanmoins ajouter que, dans la majorité des cas, la réécriture est l'étape la plus longue. Pour le partage du temps écriture/réécriture, certains auteurs prônent la répartition suivante : 20% d'écriture, 80% de réécriture. C'est pourquoi on entend souvent l'expression "writing is rewriting". Produire un premier jet n'est que la première marche d'un long escalier.

L'intervention de bêta-lecteur pour lire l'œuvre avant qu'elle ne soit finie peut également intervenir dans le processus. Elle permet à l'auteur de tester son histoire et d'obtenir des retours constructifs tant que son œuvre est encore entre ses mains. Une bonne équipe de bêta-lecteurs permet d'améliorer considérablement la qualité d'une histoire. Beaucoup d'auteurs célèbres en ont fait usage au cours de leur carrière. Pour les auteurs qui débutent, les bêta-lecteurs permettent de progresser très rapidement dans l'art de l'écriture. Les ateliers d'écriture sont un excellent endroit pour trouver des bêta-lecteurs à l'œil averti.

La répartition du temps entre chaque étape du processus est l'enjeu même des catégories pantsers, plotter et plantser.

Les pantsers

Le terme pantser est un mot anglais qui fait référence à l'expression "fly by the seat of one's plants", qui signifie : piloter un aéronef sans l'aide d'instruments, sans plan de vol, en utilisant uniquement son instinct, ses observations visuelles et son expérience. On ne va pas se mentir, c'est une façon péjorative de désigner cette catégorie d'auteurs.

Appliqué à l'écriture, il désigne donc les auteurs qui écrivent sans planifier. Ils peuvent avoir ou non une idée de la direction générale de leur histoire. Mais cette dernière va vraiment se révéler au fur et à mesure de l'écriture. Les auteurs "découvrent" leur histoire en l'écrivant. Mais attention, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas un travail de recherche préparatoire ou une étape de construction de worldbuilding. Juste que les grandes lignes (ou le détail) de l'histoire n'ont pas été déterminées avant la phase d'écriture. En conséquence, les pantsers limitent ou ignorent l'étape de pré-écriture pour sauter directement à l'écriture.

On peut également considérer que c'est la manière traditionnelle ou historique d'écrire une histoire. Je reviens là-dessus un peu plus tard.

J'avais lu quelque part, je ne sais plus où, que lorsqu'on écrivait, on pouvait avoir la sensation de se contenter d'observer et décrire ce que nos personnages faisaient par eux-mêmes, qu'ils prenaient vie dans notre esprit. Cela s'applique particulièrement à ce mode d'écriture. C'est celui qui laisse le plus les coudées franches à votre créativité (pour le meilleur ou pour le pire).

Stephen King est un des pantser les plus connus. Il parle notamment de cette façon d'écrire dans son livre On Writing: A memoir of the Craft, que je ne peux que vous recommander si vous vous intéressez à l'écriture.

William Gibson également, est un pantser. Il a écrit Neuromancer, une des œuvres fondatrices du cyberpunk, avec une simple machine à écrire manuelle et sans aucune planification (d'ailleurs, il n'avait jamais touché un ordinateur quand il l'a écrit, cocasse quand on sait que l'œuvre a contribué à conceptualiser le cyberespace).

Isaac Asimov, George R.R. Martin ou encore Ernest Hemingway font aussi partie de l'équipe des pantsers.

Ce processus d'écriture a cependant un défaut. Lorsqu'on ne planifie pas son histoire, on prend le risque d'augmenter significativement la quantité de travail à fournir lors de la phase de réécriture. Si l'histoire est décousue, incohérente ou ne fonctionne pas, il faudra potentiellement tout réécrire plusieurs fois. Réécrire une scène pour changer un peu sa direction ou améliorer son style est une chose. Réécrire complètement une histoire parce qu'elle ne fonctionne pas en est une autre.

Cependant, les pantsers célèbres ont tendance a avoir une compréhension intime (instinctive ou acquise par l'expérience) de ce qui fait qu'une histoire marche ou ne marche pas. Ce qui leur facilite grandement la tâche.

Les plotters

Le terme plotter est également un mot anglais dérivé du nom a plot qui peut se traduire en français par une intrigue. Il désigne donc les auteurs qui, au contraire des pantsers, prépare leurs intrigues.

La planification peut être relativement vague et ne comprendre que les grandes lignes / les grandes étapes de l'histoire ou elle peut être extrêmement précise et comprendre le détail de chaque chapitre, voir de chaque scène de l'histoire. La phase de pré-écriture est donc extrêmement importante pour les plotters.

L'intérêt majeur de cette technique est de vérifier que l'histoire fonctionne avant l'écriture. Comme indiqué précédemment, cela permet de limiter considérablement le travail de réécriture.

L'inconvénient potentiel pour un plotter qui aimerait particulièrement la phase d'écriture en elle-même est que la phase de travail en amont sera bien plus importante. Cela peut décourager quelqu'un qui souhaite juste se jeter dans le bain et écrire à vue.

Les plotters peuvent utiliser le papier ou des tableurs comme Excel ou Google Calc pour planifier leurs histoires. Mais il existe également des logiciels dédiés à cet exercice, comme Plottr, Causality et des logiciels d'écritures proposant des outils pour faciliter cette étape, comme Scrivener, Dabble ou Wavemaker.

Enfin les plotters peuvent s'aider d'un tas de manuels proposant des structures d'histoires, dont notamment :

Pour le moment, ce que vous devez savoir c'est que ces structures, qui ont toutes le même fond (car la structure d'une bonne histoire est universelle), permettent d'obtenir une histoire qui marche. Je pense faire un article sur ce sujet dans le futur.

Je disais précédemment que la façon d'écrire à la pantser était la façon de faire historique. Les plotters, la planification des histoires, le fait d'utiliser des structures formalisées, tout cela date de quelques décennies, depuis que la narration s'enseigne à l'université, que les auteurs discutent sur internet et qu'ils publient des manuels d'écriture. Avant cela, tout le monde était bien obligé de se débrouiller. Pour un auteur déjà publié qui se lance dans un nouveau livre, la planification de leur histoire permet à leur éditeur de commencer à faire des retours très tôt dans le processus d'écriture.

J.K. Rowling fait partie des plotters célèbres. Elle a planifié les livres Harry Potter dans des tableaux très détaillés réalisés à la main. On peut également compter dans le rang des plotters Brandon Sanderson, qui est l'écrivain de high fantasy actuel qui connaît le plus de succès. On peut trouver des vidéos de lui où il parle de ses techniques d'écriture.

James Salter, Jennifer Egan et Norman Mailer font partie de l'équipe des plotters.

Si vous êtes curieux, vous pouvez jeter un œil à cet article du Dailymail qui expose une collection de notes de différents auteurs.

Les Plantsers

Vient enfin le terme plantser, qui, vous l'aurez peut-être déjà compris, est la contraction de plotter et pantser. Si l'on considère les plotters et les pantsers comme des absolus opposés, les plantsers désignent donc tous les auteurs qui se situent entre les deux. En cela, on peut considérer que la catégorie recoupe la partie des plotters qui ne font qu'une légère planification.

On peut probablement placer la grande majorité des auteurs actuels dans cette catégorie.

Pour répondre à la question initiale, si je devais choisir une équipe, ce serait celle des plantsers. Pour la première nouvelle du projet 7NP, j'ai adopté une approche 100% plotter avec une planification scène par scène que je vous présenterai bientôt, mais mes précédents travaux n'étaient pas du tout ou très peu planifiés. Hormis La loi de la Fée Bleue dont les grandes lignes ont été planifiées, toutes les autres nouvelles présentes ici ont été écrites à vue.

Conclusion

En résumé, nous avons donc trois grandes catégories d'écrivains :

Mais la chose la plus importante à retenir est qu'il n'y a pas de méthode parfaite ou supérieure aux autres. Tout dépend de la personnalité de la façon de fonctionner de chacun. Pour quelqu'un qui souhaiterait se lancer dans l'écriture, mon humble conseil est d'essayer les trois façons de faire et de rester sur celle qui fonctionne le mieux pour vous.

Épilogue

J'espère que vous avez trouvé cet article intéressant, en tout cas il l'a été à écrire. Tenter de transmettre des connaissances est une des meilleures façons de les acquérir, et c'est une bonne raison de tenir ce blog (et aussi avoir un endroit où mettre mes nouvelles). Le prochain billet parlera de scènes et séquelles, il servira de support pour vous présenter la planification de ma nouvelle actuelle.

Si vous êtes arrivé jusque là, merci de m'avoir lu :-)

Fin.

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