Préambule
Le plan initial pour mon projet 7 nouvelles à Néo-Paris (7NP) était de définir sept structures d'histoire avant janvier, puis de rédiger jusqu'à l'été. Hélas, aucun plan de bataille ne survit au premier contact avec l'ennemi (en l'occurrence des microbes, des bambins et la fatigue-flemme). La compétence la plus importante pour un écrivain est, à mon humble avis, sa discipline. J'ai clairement péché à ce niveau-là. Bonne nouvelle, j'arrive à maintenir une bonne dynamique depuis un mois. J'entends par là que j'écris tous les jours, ne serait-ce que quelques lignes.
Mais voilà, passer six mois à écrire des billets et structurer des histoires c'est bien. Mais rédiger des nouvelles, c'est mieux. Après avoir terminé ce second point worldbuilding, je vais donc m'attaquer à la rédaction du premier jet de la nouvelle rags to riches (c'est celle qui m'attire le plus). Ce sera évidemment l'occasion d'aborder un tas de trucs intéressant sur comment faire une histoire qui marche.
Dans mon précédent billet, je formalisais la liste des ingrédients qui constituent le "terreau" du worldbuilding de mon 7NP. Ce billet est la suite directe du travail précédent. J'espère avoir à la fin assez d'éléments pour pouvoir travailler confortablement.
Peter F. Hamilton, ponte du space opera et l'un des auteurs préférés, passe en général six mois uniquement dédiés à son worldbuilding avant d'attaquer un roman. C'est vous dire l'importance de ce sujet, particulièrement lorsqu'on écrit de la science-fiction ou de la fantasy. Plus l'univers est détaillé (et cohérent), plus les histoires qui s'y dérouleront feront vrai. Peter F. Hamilton en parle dans cette interview réalisée par les Artisans de la fiction (l'école d'écriture créative que je fréquente) : https://www.youtube.com/watch?v=wcBRqIIBXFI
Hopepunk
Avant de passer aux choses sérieuses, petit point sous-genre littéraire. J'évoquais le cyberpunk dans mon précédent billet. Cette fois, je vous fais une petite parenthèse hopepunk.
Le hopepunk est un sous-genre de la science-fiction né en opposition à la dystopie et aux univers où la loi du plus fort est de vigueur. Il a été formalisé récemment, en 2017, par l'autrice Alexandra Rowland.
Le hopepunk, comme son nom l'indique, est centré sur l'espoir, l'optimisme et la bonté. Il ne braque pas les projecteurs sur un héros qui doit s'en sortir tout seul, mais plutôt sur des communautés, des groupes qui doivent agir collectivement. Le hopepunk met en avant la coopération, la solidarité et la bienveillance.

Le hopepunk est différent de l'utopie. Les univers narratifs sont les mêmes que l'on retrouve dans la dystopie ou le cyberpunk, des univers pleins d'horreurs, d'injustices et d'inégalités. Mais les récits mettent en scène des personnages qui refusent de rester passifs et qui se battent ensemble pour changer les choses.
Là où les personnages de la dystopie et du cyberpunk sont plutôt motivés par leur propre succès (pouvoir, fortune, gloire), ceux du hopepunk sont motivés par des motifs plus nobles.
Mon objectif est d'appliquer ce sous-genre à certaines des nouvelles de mon projet. Pour le moment, je trouve que ça colle bien avec le thème d'overcoming the monster.
Où et quand ? Néo-Paris, XXII EC
On commence par la base. Les sept histoires se dérouleront aux environs du début du XXIIe siècle de l'ère commune. Elles prendront toute place à Néo-Paris, successeur démesuré du Grand Paris et une des plus grandes mégalopoles refuges d'Europe. La majorité du territoire national est rendu à la nature et strictement interdit d'accès à la population. Néo-Paris concentre donc neuf dixièmes de la population française, soit, dans ce futur, environ 30 millions d'habitants. Je vais donc commencer par parler d'eux.
Population
Les populations sont un des éléments les plus importants du worldbuilding. Tous les personnages viendront de là, et pas de bonnes histoires sans bons personnages.
La population de Néo-Paris se divise en deux groupes distincts :
Les mégalopolitains
C'est la partie "chanceuse" de la population. Ceux qui n'ont pas été exclus du système, qui mangent à leur faim (et même plus), ont un toit sur la tête, accès au confort, aux soins médicaux et aux loisirs.
Pour faire partie de ce groupe, il suffit d'avoir une adresse dans un des quartiers de la zone active de Néo-Paris (j'en reparle dans la partie Géographie). Dans la pratique, seuls les plus riches (les oligarques) possèdent le foncier et tous les autres sont locataires. En conséquence, lorsqu'un individu qui ne fait pas partie de l'oligarchie perd son travail, il est déchu de son statut de mégalopolitain dès qu'il n'est plus en mesure de payer son loyer.
Les mégalopolitains sont eux-mêmes composés de plusieurs sous-groupes :
Les oligarques
Ce sont les moins nombreux, quelques milliers d'individus répartis en dynasties. Chaque dynastie contrôle en général une mégacorporation. Ensemble, ils possèdent l'intégralité du foncier, presque toute la propriété intellectuelle ainsi que tous les moyens de production de Néo-Paris. Dans le lot, une dizaine de familles dépasse de loin les autres en termes de richesse accumulée.
Comme le nom de leur groupe l'indique, c'est eux qui tirent les ficelles de l'état. Si, techniquement, la France est toujours une démocratie, c'est l'oligarchie qui désigne ses candidats et qui utilise les médias en leur possession pour les faire élire (un peu comme aujourd'hui quoi).


Des concepts arts de Cyberpunk 2077 qui illustrent bien les oligarques
Les oligarques sont des rentiers et de nantis. La majorité ne travaille pas et se contente de voyager à travers le monde (privilège de riches dans le futur) et de pratiquer des loisirs extravagants ou décadents. Les autres dirigent les mégacorporations qu'ils possèdent. Pour eux, les affaires sont leur loisir et leur richesse n'est jamais suffisante.
Les oligarques bénéficient des traitements médicaux les plus avancés, sont tous en parfaite santé, ont une forme olympique et sont beaux (grâce à des modifications corporelles ou génétiques). Grâce aux traitements de rajeunissement, ils peuvent prolonger leur vie et leur jeunesse de plusieurs décennies. Leurs familles comprennent souvent six ou sept générations simultanément. Cela peut provoquer des conflits internes parfois violents sur les sujets de succession et de politique interne.
Les oligarques ont accès aux dernières technologies et truffent leur corps d'améliorations cybernétiques. Ils disposent tous d'implants neuraux les connectant à des AGI les aidant à gérer leurs empires et leurs affaires du quotidien. Les dix familles les plus riches utilisent secrètement (et illégalement) des ASI pour maintenir leur supériorité.
Avec le temps, le nombre d'oligarques a tendance à diminuer. Les dynasties se livrent des guerres commerciales impitoyables et, de temps en temps, une d'entre elles tombe à terre et perd définitivement sa fortune. Les membres de cette dynastie rejoignent alors les rangs des employés ou des indépendants s'ils ne disparaissent tout simplement pas corps et âme.
Les employés
Les employés sont des techniciens hautement qualifiés, des ingénieurs, des chercheurs, quelques médecins, hommes de main, courtisans et courtisanes. Ils sont environ trois millions, c'est le plus gros groupe de mégalopolitains. Ils travaillent pour les mégacorporations, vivent dans des logements loués aux mégacorporations, consomment des biens produits par les mégacorporations, utilisent les infrastructures de services (y compris les écoles) appartenant aux mégacorporations. Ils vivent au crédit de leurs maîtres. Lorsqu'un enfant suit un parcours scolaire dans une l'école d'une mégacorporation, il s'engage contractuellement à travailler pour elle jusqu'à ce que le coût de son éducation soit couvert. En fonction de ses qualifications, cela peut prendre de vingt à cinquante ans.
Les employés ont accès à des traitements médicaux plus ou moins complexes selon leur degré d'utilité pour la mégacorporation pour laquelle ils travaillent. Mais ces traitements ne sont pas gratuits. Pour les 1% des plus qualifiés, ils peuvent être couverts par leur "mutuelle d'entreprise". Pour les autres, les frais viennent augmenter leur dette auprès de leur employeur. Les employés disposent souvent d'implants cybernétiques leur permettant d'être plus performants dans leur travail. Ils sont contraints de "s'augmenter" (à crédit) pour rester compétitifs dans un monde où la performance individuelle est perpétuellement analysée.
Leur charge de travail est à peu près équivalente à celle d'un cadre moyen de notre époque (ils peuvent périodiquement avoir des volumes horaires plus conséquents, mais, en général, celui-ci est stable pour éviter une baisse de productivité). Les travailleurs ont donc du temps pour une vie personnelle, des loisirs et même pour faire des enfants. S'ils décident d'en avoir, ils doivent obtenir l'aval de la mégacorporation à laquelle ils appartiennent. Cette dernière acceptera de couvrir les frais médicaux d'un nombre d'enfants correspondant à ses besoins futurs (ce nombre est également proportionnel au niveau de compétence des parents).
Les fonctionnaires
Les fonctionnaires sont environ deux cents milles, dont la moitié dans l'armée et la gendarmerie. Le reste s'occupe de faire tourner ce qu'il reste des administrations (les institutions fantoches ont toujours besoin de leur petit personnel). Les fonctionnaires bénéficient à peu près des mêmes privilèges que les employés. Mais, contrairement à eux, ils ne sont pas "endettés" auprès de leur employeur et ont droit à un nombre fixe de deux enfants couverts par l'état. Ils sont libres de changer de vie, mais, dans la pratique, quitter l'état pour le privé reviendrait à s'enchaîner auprès d'une mégacorporation. De tels transfuges n'arrivent que pour quelques individus avec des compétences très spécifiques (souvent parmi les militaires).
Les indépendants
Quelques dizaines de milliers d'individus forment ce groupe à part. Ils ne sont ni affiliés à une mégacorporation ni à l'état. Leur situation, souvent précaire, fait d'eux les plus exposés à la perte de leur statut de mégalopolitains. On trouve parmi eux plusieurs types de profils :
- Les artistes (au sens large, peintres, dessinateurs, musiciens, compositeurs, écrivains, réalisateurs, metteurs en scène, acteurs...) : Si la majorité des mégalopolitains consomme des divertissements créés par des AGIs, les oligarques ainsi que certains privilégiés préfèrent payer pour avoir quelque chose avec une âme. Certains artistes sont également mandatés par les mégacorporations pour créer de la "donnée" qui servira à alimenter les modèles d'intelligence artificielle. Les artistes détestent contribuer à ce qui essaie de les remplacer, mais à Néo-Paris, il faut payer son loyer. Les artistes les plus célèbres vivent du mécénat des oligarques, la plupart des autres vivent sur le fil et ne doivent jamais s'arrêter de "produire" sous peine de perdre leur statut de mégalopolitain.
- Les mercenaires : anciens militaires (au service de l'état ou d'une mégacorporation) pour la plupart, ils effectuent toutes les missions à haut risque que des personnes assez riches peuvent se payer : faire justice, espionnage industriel, assassinat, sabotage, rapts, vol, etc. En conséquence, leur espérance de vie est assez faible.
Leur niveau de vie dépend de leur succès, des risques qu'ils prennent, et de leur réputation. Comme les artistes, ils doivent rester actifs pour ne pas risquer de perdre leur statut de mégalopolitain. Ils sont contraints de dépenser une bonne partie de leur gain en soins médicaux, implants cybernétiques et matériel pour rester compétitifs. Grâce aux fixeurs (cf. entrepreneurs) et à certains de leurs clients (les mégacorporations), ils ont accès à des armes et du matériel de pointe normalement réservé aux militaires.
C'est le seul groupe des mégalopolitains qui se rend régulièrement dans la zone morte, ce pour accomplir leurs missions. Beaucoup y disposent de planques. - Les entrepreneurs : Ils ne sont guères nombreux. Ce sont en général des ex-employés s'étant extirpés de leur mégacorporation pour mettre en œuvre leurs compétences et leurs idées personnelles. Très peu rencontrent le succès. L'aventure se termine en général par un retour à la case départ. Les plus malchanceux s'exposent à la perte de leur statut de mégalopolitain ou à du plomb dans la tête. Une infime fraction d'entre eux réussit tout de même et accède aux rangs des "petits" riches, et cela suffit à inspirer beaucoup d'autres à se lancer.
On trouve parmi les entrepreneurs une classe à part : les fixeurs. Les oligarques, petits riches, employés et fonctionnaires aisés s'adressent à eux lorsqu'ils ont un besoin particulièrement illégal et dangereux. Les fixeurs s'occupent de recruter une équipe de mercenaires. Ils gèrent la logistique et la planification. Leur réputation et leur discrétion leur sont essentielles pour rester en vie et tirer leur épingle du jeu. - Les "petits" riches : Il peut s'agir d'ex-oligarques ou d'entrepreneurs ayant réussi. Ils disposent de quelques actifs et biens, mais rien qui ne s'approche de l'empire d'une dynastie d'oligarques. Ils doivent cependant gérer leur patrimoine avec soin sous peine de risquer de tout perdre. Ils ont un train de vie très aisé et peuvent vivre sans travailler, mais ils n'ont pas accès aux traitements médicaux et implants cybernétiques les plus avancés, pas de jeunesse éternelle pour eux !
Les non-citoyens / Les hors-castes / La plèbe
Trois propositions de noms pour définir ce groupe dont aucune ne me satisfait complètement. Pour le moment, j'utiliserai "la plèbe" pour les désigner.
La plèbe représente environ 25 millions de personnes, exclues du système, qui doivent se débrouiller pour survivre. La plèbe vit dans la zone morte. Ses membres n'ont pas le droit de poser le pied dans la zone active.
Comme pour les mégalopolitains, les plébéiens sont divisés en sous-groupes :
Les solidaires / les pacifistes
Je ne suis pas non plus sûr du nom de ce sous-groupe, pour le moment j'utiliserai "les pacifistes".
Ils représentent la grande majorité de la plèbe. Ils sont organisés en communautés soudées, solidaires, et débrouillardes. Quasiment tous ont un toit sur la tête. Les bâtiments abandonnés à squatter ne manquant pas dans la zone morte de Néo-Paris.
Dans les territoires qu'ils occupent, chaque centimètre carré de terre est exploité pour faire pousser des plantes. Permaculture et agroforesterie sont des compétences communes, tout comme le bricolage et le recyclage. Ils parcourent la zone morte en récupérant tout ce qui peut l'être.
La vie des pacifistes reste néanmoins précaire. Ils sont particulièrement vulnérables aux événements climatiques extrêmes, sont exposés à la pollution, aux gangs et ont difficilement accès à des traitements médicamenteux. Leurs corps sont pour la plupart vierges de tout implant cybernétique. Malgré tout, ils arrivent à survivre, ensemble. La fibre hopepunk est ici.
Les errants
C'est le groupe le plus mal loti de tous. Il s'agit d'enfants abandonnés ou orphelins, de personnes bannies des pacifistes ou qui préfèrent vivre seuls. Ils errent dans la zone morte et survivent comme ils peuvent. Ils sont des proies faciles ou des recrues potentielles pour le groupe suivant.
Les gangs
La plupart des communautés plébéiennes sont pacifiques ou tout du moins non agressives, même si elles peuvent être hostiles aux étrangers. Elles trouvent de quoi assurer leur pérennité dans la zone morte de Néo-Paris aux prix de longues journées de travail. Mais il existe des groupes, appelons les gangs, qui préfèrent voler aux autres le fruit de leur dur labeur.
Les gangs parcourent la zone morte et vivent en nomade. Chaque gang à son identité, ses couleurs, ses rituels, ses façons de faire, ses spécialités et, surtout, son territoire. Les guerres de gang sont fréquentes. La moindre altercation ou dissension ayant tendance à mener rapidement à un bain de sang.
Les gangs pratiquent l'esclavage, le vol, le racket, le meurtre et la torture. La violence est complètement banalisée parmi leurs membres qui sont recrutés très jeune. Les enfants désœuvrés et mal nourris sont des proies faciles pour les chefs de gang.
Les gangs ne disposent que rarement d'armement avancé. Contrairement à notre époque où certains gangs de certains pays sont aussi bien équipés que des forces spéciales, dans le monde de Néo-Paris, les armes de catégorie militaire, bourrée d'électronique, sont traçables et jalousement gardées par les militaires, les mégacorporations et les mercenaires. Les gangs disposent d'armes à feu et d'explosifs rudimentaires, mais utilisent majoritairement des armes blanches et des armes à projectiles à l'ancienne. Utiliser des armes bruyantes près des frontières de la zone active risque d'attirer des drones tueurs / de surveillance de défense, ce qui est rarement une bonne chose.
Les gangs vivent principalement de ce qu'ils volent ou extorquent. Ils attaquent les communautés des pacifistes et ne manquent jamais une occasion d'attaquer le convoi d'une mégacorporation traversant la zone morte s'il n'est pas convenablement protégé.
Ils arrivent que des gangs soient payés par des mégacorporations pour effectuer quelques basses besognes (en général trop immoral ou trop illégal, même pour les mercenaires).
Géographie
Maintenant que nous avons une bonne idée de la physionomie de la population de Néo-Paris, il est temps de travailler la géographie de leur habitat. J'ai évoqué précédemment une zone active et une zone morte. C'est le moment de préciser ça. Néo-Paris est donc découpée en deux zones :
La zone active
C'est la partie de Néo-Paris réservée aux mégalopolitains. Elle n'existe que pour contenir l'appareil gouvernemental, les domaines des oligarques et les activités de leurs mégacorporations (en incluant les ressources humaines). Les infrastructures et les services y fonctionnent encore (électricité, eau courante, évacuation des déchets...). Elle est protégée par ce qu’il reste de l’État et par les armées privées des mégacorporations.
À la création de Néo-Paris, la zone active recouvrait l'intégralité de la mégalopole. Mais avec la baisse de sa population, et surtout la perte de l'utilité d'une grande partie de celle-ci (voir Crépuscule du prolétariat dans mon billet précédent), la zone active a rapidement diminué en taille.
La zone active est subdivisée en différents secteurs :
Les secteurs privilégiés
Autrement nommés les quartiers des ultras riches, les secteurs privilégiés occupent les anciens secteurs boisés et secteurs les plus riches de l'Île-de-France (dont une bonne partie du centre). Ils sont démesurément vastes par rapport à la population qui les habite, les oligarques aimant avoir de l'espace. C'est les seuls secteurs de la zone active qui n'ont pas vu leur taille réduire avec le temps. Au contraire, les oligarques y intègrent fréquemment de nouvelles terres (après les avoir coûteusement rasées, dépolluées et renaturées).
Les secteurs privilégiés sont hautement sécurisés. Les services de protection des oligarques veillent au grain et n'hésitent pas à tirer pour protéger leurs employeurs. Pour pouvoir y entrer, il faut soit y posséder un bien, soit être invité par quelqu'un qui y habite.
Les parties les plus denses (les anciennes villes) sont composées d'hôtels particuliers (pour les moins riches des plus riches) alors que les parties boisées comportent plutôt des manoirs, villa aux somptueux domaines (pour les plus riches des plus riches). À cela s'ajoutent les infrastructures de loisir, telles que les ports de plaisance, golf et country club like.
Les moins riches des plus riches utilisent des voitures avec chauffeur ou autonomes luxueuses. Mais les parties boisées des secteurs privilégiés comptent très peu de routes en dur. Ses habitants s'y déplacent donc en véhicule volant autonome (inspiration aérodynes de Cyberpunk et navette Bugatti d'Elysium).



Le secteur central
Le secteur central inclut le Paris intra-muros d’avant Néo-Paris, à l’exception de 3/4 des arrondissements qui font partie des secteurs privilégiés. L'urbanisme y est aussi dense qu'aujourd'hui avec une architecture qui n'a guère changé au cours du siècle. Les monuments d'aujourd'hui existent encore et sont préservés par les oligarques par nostalgie. Le tourisme n'existant presque plus, les monuments ne peuvent plus vivre des visites.
Le secteur central est le siège de l'appareil gouvernemental, des fonctionnaires et des magasins les plus chers (accessibles ou non aux non-oligarques). Les habitants de ce secteur, comme les visiteurs s'y déplacent majoritairement à pied, en vélo (ou en trottinette, mono-roue, etc.), ou en transports en commun. Les déplacements en voiture y sont réservés aux membres les plus hauts du gouvernement et aux oligarques. Il est donc rare qu'un fonctionnaire dispose d'un véhicule à moteur personnel.
Le secteur central est protégé par la gendarmerie au nom de l'état. Il est accessible à tous les mégalopolitains, mais, en pratique, peu d’employés s’y rendent.
Les secteurs d'activités privés
Vous avez peut-être déjà entendu parler de la "ville Samsung" qui proposent des services et activités à ses employés afin qu'ils arrivent très tôt le matin pour faire leur séance de sport et repartent très tard le soir après avoir bu un verre et fait un bowling avec leurs collègues ? Le même principe s’applique ici, mais on va encore plus loin.
À Néo-Paris, chaque mégacorporation dispose de son propre secteur d'habitations et de bureaux qui comprend les lieux de vie et de travail de ses employés. Ces secteurs sont des villes à part entière avec leurs propres infrastructures, commerces et services. On y trouve des rangées d'immeubles d'habitation de douze étages tout confort (encore une fois, inspiration Corée du Sud). Les employés s'y voient proposer des loyers à des prix très préférentiels, tout est fait pour les encourager à vivre sur place. Et la plupart le font. En conséquence, la majeure partie des mégalopolitains vivent dans de tels quartiers.




Une zone résidentielle et des campus d'entreprises
Ces logements sont reliés au réseau privé de leur mégacorporation, ce qui permet à leurs habitants de télétravailler (sauf pour ceux travaillant sur les sujets les plus sensibles). C'est un privilège qui n'est donc pas accessible aux rares employés choisissant de vivre dans un autre secteur.
En plus d'habitations, de commerces et de services, les secteurs d'activité privés comprennent évidemment des bureaux, mais également des complexes scolaires allant de la crèche à l'université. Ces derniers facilitent la vie des employés et permettent de capter, façonner et spécialiser au plus tôt la future main-d'œuvre. Certaines personnes peuvent ainsi naître et passer toute leur vie sans jamais quitter leur secteur.
Dans ces secteurs, les employés les plus "gradés" disposent de leur propre voiture électrique. Mais dans les faits, la plupart des habitants se déplacent à pied, à vélo (et autres VAE) ou en transports en commun (bus autonomes pour les déplacements locaux et trains pour changer de secteur).
La sécurité (et la loi) y est bien évidemment assurée par la mégacorporation elle-même.
Les secteurs résidentiels
Il existe quelques secteurs résidentiels, mais très peu peuvent se permettre d'y vivre. On y trouve donc en général les employés des mégacorporations les plus infidèles et les indépendants.
Ces secteurs sont très similaires aux secteurs d'activités privés, avec immeubles d'habitations, services, commerces, écoles privées et infrastructures. Mais tout y est plus cher que les secteurs d'activités privés. Même ici, la grande majorité du foncier appartient aux oligarques. Rares sont ceux propriétaires de leur logement.
La sécurité des secteurs résidentiels est assurée par la gendarmerie.
Les secteurs industriels
Au cours du XXIe siècle, à cause du climat géopolitique, de la raréfaction des combustibles fossiles et de l'évolution du climat, le commercial mondial s'est effondré. À la fin du siècle, la grande majorité des nations disposent d'une industrie pouvant assurer leur autonomie.
En France, les biens sont produits dans les secteurs industriels. Les installations présentes sont des dark factories (voir Avènement de l'intelligence artificielle, de la robotique et des dark factories dans mon billet précédent). Elles n'ont que très rarement besoin de l'intervention ou de la supervision d'un humain. Et la plupart des inspections peuvent de toute manière être effectuées à distance.

En conséquence, les secteurs industriels sont interdits aux humains, sauf dérogation spéciale. Les mégacorporations assurent la sécurité de leurs sites industriels grâce à des drones de surveillance / tueurs autonomes. Le transport de marchandises se fait également grâce à des camions autonomes.
Les secteurs industriels comportent également des fermes verticales et usines de nourriture (dont de viande artificielle) qui produisent l'intégralité des besoins des mégalopolitains.



Les secteurs industriels incluent également les infrastructures permettant à toute la zone active de fonctionner : les centres de recyclages, les stations d'épurations, les centrales électriques. Encore une fois, ces infrastructures sont automatiques. Les centrales électriques, elles, sont pour la plupart des Small Modular Reactors (SMR), des centrales nucléaires compactes utilisant pour la plupart du thorium comme carburant. Quelques centrales à l'uranium existent encore en France, ce sont des complexes plus gros qui existent, surtout pour pouvoir produire du plutonium à vocation militaire. Les besoins électriques de Néo-Paris sont également assurés par une profusion de panneaux solaires disposés sur les toits des bâtiments de tous les secteurs de la zone active et par quelques champs éoliens en dehors de la mégalopole.
La zone morte
À la création de Néo-Paris, la zone morte n'incluait que quelques secteurs trop pollués ou inutiles à l'effort d'urbanisation et d'industrialisation. Mais au fur et à mesure des années et avec la diminution rapide de la population, de nombreux secteurs ont été abandonnés par l'état et les mégacorporations. À la fin du siècle, les 4/5 de Néo-Paris sont dans la zone morte.
On trouve dans la zone morte des anciens secteurs d'activités privés, résidentiels et industriels. Les zones privilégiées n'ont jamais diminué en taille. Quand une dynastie d'oligarque y perd ses terres, elles sont toujours rachetées par les autres. Même idée pour le secteur central. Si certains quartiers deviennent inutiles, ils sont rachetés par les oligarques et deviennent zones privilégiées.
Dans la zone morte, les bâtiments, usines et infrastructures ont été, la plupart du temps, dépouillés de tout le matériel de valeur. Les bâtiments des secteurs récemment abandonnés sont encore relativement en bon état. Les visiter peut donner l'impression de parcourir une ville qui vient d'être abandonnée. Les secteurs abandonnés depuis longtemps comptent de nombreux bâtiments abandonnés et de la nature qui reconquiert son territoire. Dans les zones limitrophes de Néo-Paris, on peut même rencontrer des animaux sauvages.
Certaines lignes de trains et routes qui relient les secteurs de la zone active traversent parfois la zone morte. Ces portions sont relativement bien protégées. Mais parfois, les mégacorporations font emprunter à des convois des routes moins fréquentées (par souci de discrétion) ce qui peut les exposer à des attaques de leurs concurrents ou de gangs.
Les anciens secteurs industriels sont extrêmement pollués. Les parcourir sans équipement de protections peut être fatals à court ou long terme suivant le type de pollution rencontrée (les pollutions chimiques étant les plus létales). Pourtant, de nombreux plébéiens bravent ces dangers, car c'est dans ces secteurs qu'on trouve le plus de matériel en état de marche, réparable ou recyclable.
Les anciens secteurs d'habitations ou d'activités privés sont privés d'électricité, d'eau, et d'évacuation des déchets. Mais ils sont eux relativement sûrs, tant que l'on ne rencontre pas des personnes mal intentionnées (comme les membres des gangs). La plupart des plébéiens y vivent dans des communautés.






Régime politique français
Dernier point avant de conclure. À la fin du siècle, la Cinquième République est toujours techniquement en vigueur à Néo-Paris et en France, mais les dérives actuelles ont été poussées à l'extrême.
Le pouvoir exécutif, toujours incarné par le chef de l'état, est encore plus puissant qu'aujourd'hui. Dans les faits, le Parlement n'a plus qu'un rôle consultatif et le gouvernement formé par le chef de l'état impose ses lois. La justice a été muselée et amputée de presque tous ses moyens. Il n'y a plus de limites de mandats pour le président. Ce dernier, que l'on nommera Jupiter dans les nouvelles, n'a plus grand-chose à envier en termes de pouvoir par rapport à un dictateur.
Le régime politique français reste une démocratie, mais il est une oligarchie de faits. Pour pouvoir faire campagne, il faut être médiatisés. Or l'intégralité des médias appartient aux oligarques. Pour les employés travaillant dans les secteurs d'activités privés, l'accès à l'information lui-même est contrôlé par les mégacorporations. Les oligarques favorisent donc celui qui leur laisse toute platitude pour gérer leurs activités comme ils l'entendent.
Le budget de l’État est bien inférieur à celui d'aujourd'hui. Avec notamment la retraite, la santé, l'éducation et une partie de la justice privatisées, l’État n’a plus autant besoin de ressources. Son plus gros poste de dépense est son armée, qui tient les frontières et est déployé dans certaines zones du monde au sein de coalitions de maintien de la paix.
L’État tire principalement ses revenus de l'impôt sur le revenu et la TVA. Les oligarques ne paient presque pas d'impôt (pas d'impôts sur la fortune ou sur le foncier).
En théorie, le droit de vote est toujours accordé à toute personne ayant la nationalité française. Mais dans les faits, il faut pouvoir justifier d'une adresse (légale) dans la zone active de Néo-Paris pour avoir accès à un bureau de vote, et donc être capable de payer un loyer. En conséquence, la citoyenneté est réservée aux mégalopolitains.
Sur la scène internationale, l'Union européenne n'existe plus. Il a volé en éclat dans les années 2020 lorsqu'un ancien allié outre-Atlantique est soudainement devenu un adversaire. Quelques années plus tard, le technomessie (cf. mon billet précédent) a sécurisé assez d'influence et de pouvoir pour imposer son agenda politique dans presque toutes les nations du monde. Les pays récalcitrants ont été mis au pas par la force. C'est ainsi que la France a dû appliquer l'injonction à regrouper les populations dans des mégalopoles et à rendre le reste de son territoire à la nature.
Épilogue
Okay, je pense qu'on est pas mal. Prendre le temps de rédiger ce billet et le précédent m’a permis d’avoir une bonne vision des grandes lignes de Néo-Paris. C'est même une source d'idées pour les nouvelles manquantes. Mais le prochain billet ne sera pas dédié à ça. Comme je l'ai annoncé dans le prologue, je m'oriente vers la rédaction de la nouvelle rags to riches. Je continue d'écrire tous les jours et je reviens avec un nouveau billet aussi vite que possible !
Si vous êtes encore là, merci d'avoir pris le temps de me lire ! ❤️
Fin.
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